1983 - Nos silences se touchent

Edouard J. Maunick

Nja Mahdaoui (Tunis: Cérès Productions, 1983), pp. 22-23, 28-29, 38-39, 56-57, 62-63.


 

la mer s'ouvre les veines

pour vivre de ce feu

qui fait d'elle un miroir

aux mille images du noûn


à l'aube était la fête

une aube de midi

une aube de minuit

tu en fais une seule vague


au plus fou du voyage

une femme accroupie

se damne au pur péché

d'iriser l'or du temps

 

l'aurore était jardin
aurore d'écorce au flanc
aurore de sève et d'encre
tu en fais une seule flamme


un instant démasqué
le sorcier s'interroge
quelle est donc cette danse
qui délie ses poignets


il vit au fil du feu
je connais son exil
en marche vers le noûn
il crie en bleu et or

 

un oiseau chorégraphe

picore entre tes doigts

ô mon frère calligraphe

quand tu écris nos rêves

 

voici le trait vocal

les racines d'un chant

que tu hisses au grand mât
pour naviguer de nuit

 

le sang se fait arpège

à ce point de l'errance

une musique source

pour aborder le jour

 

et tu trouves la passe

quand le bleu filigrane

et que l'or tombe en pluie

tu paganises la mer

 

fidèle à l'incendie
que ton geste aquarelle
de la femme à l'oiseau
tu mesures l'archipel
le feu s'ouvre l'écorce
pour dédouaner la mer
au bout de l'alchimie
soudain le port du noûn
mon regard se déhanche
où le cri jette l'ancre
nous sommes à ce point proches
que nos silences se touchent...
 

Edouard J. Maunick

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