Création et authenticité
Comme nous avons eu à lutter pour notre indépendance, nous avons à revaloriser nos valeurs culturelles (nos arts).
C'est une exigence première qui a commencé à s'imposer à nous le jour où nous avons été libres et, en Occident, le jour où il a vu la menace de la standardisation.
Il s'agit, tout en restant ouvert, de récupérer notre patrimoine national, lequel patrimoine contient tous les acquis locaux et régionaux et toutes les formes d'art.
De même que la standardisation menaçait l'originalité en stéréotipant l'individu, de même la recherche de la seule spécificité mène à l'éthnocentrisme et à la stérilité.
Il faut donc s'affirmer à travers notre propre personnalité — mais percevoir ce qui nous différencie des autres.
J'arrive au mot important pour moi : la différence qui est source de richesse, d'inspiration, de création.
C'est ce qu'on a longtemps oublié quand on a classé les civilisations et les arts en civilisations ou arts supérieurs et civilisations ou arts inférieurs.
Aujourd'hui, toute civilisation est unique — ni plus grande — ni moins grande qu'une autre : elle est différente.
Je m'excuse d'avoir à répéter ce mot, mais c'est le mot clef qui lie tous les dialogues que les êtres humains sont obligés d'échanger pour se connaître.
C'est la différence, en effet, et non la ressemblance qui enrichit.
Nous avons vécu, longtemps, la colonisation française, et ce n'est donc pas une idée originale que je vais énoncer quand je vous dirai que nous avons été aliénés par les valeurs occidentales de tous ordres.
En ce qui concerne la peinture, et particulièrement sa forme spécifique de tableau de chevalet et de peinture à l'huile qui est considérée par les occidentaux comme le grand art, nous n'en avons pas de tradition chez nous.
C'est une exigence première qui a commencé à s'imposer à nous le jour où nous avons été libres et, en Occident, le jour où il a vu la menace de la standardisation.
Il s'agit, tout en restant ouvert, de récupérer notre patrimoine national, lequel patrimoine contient tous les acquis locaux et régionaux et toutes les formes d'art.
De même que la standardisation menaçait l'originalité en stéréotipant l'individu, de même la recherche de la seule spécificité mène à l'éthnocentrisme et à la stérilité.
Il faut donc s'affirmer à travers notre propre personnalité — mais percevoir ce qui nous différencie des autres.
J'arrive au mot important pour moi : la différence qui est source de richesse, d'inspiration, de création.
C'est ce qu'on a longtemps oublié quand on a classé les civilisations et les arts en civilisations ou arts supérieurs et civilisations ou arts inférieurs.
Aujourd'hui, toute civilisation est unique — ni plus grande — ni moins grande qu'une autre : elle est différente.
Je m'excuse d'avoir à répéter ce mot, mais c'est le mot clef qui lie tous les dialogues que les êtres humains sont obligés d'échanger pour se connaître.
C'est la différence, en effet, et non la ressemblance qui enrichit.
Nous avons vécu, longtemps, la colonisation française, et ce n'est donc pas une idée originale que je vais énoncer quand je vous dirai que nous avons été aliénés par les valeurs occidentales de tous ordres.
En ce qui concerne la peinture, et particulièrement sa forme spécifique de tableau de chevalet et de peinture à l'huile qui est considérée par les occidentaux comme le grand art, nous n'en avons pas de tradition chez nous.
Nous avons fait nôtre — non seulement la VISION de l'occidental mais aussi son esthétique.
Il cherchait chez nous le pittoresque, le typique, l'exotique, tout ce qui est folklorique.
Nos premiers peintres ont repris à leur compte cette vision annecdotique et nous avons eu, nous aussi, nos bédouins, nos mendiants, nos mosquées, nos chameaux etc...
En ce qui concerne l'esthétique, les critères occidentaux ont été adoptés par nous tels quels. Pour nous, était beau ce qui l'était pour eux. C'est-à-dire, pour eux, c'était ce qui les dépaysait, donc, ce qui était vu en surface.
Par ailleurs, la notion de créateur — au sens démiurge que les occidentaux ont hérité des Grecs — était inconnue de nous (musulmans), bien plus, elle était presque blasphématoire.
Donc, l'artiste à l'individualisme, aujourd'hui exacerbé tel qu'il existe en Occident, était inconnu en terre d'Islam.
On préférait dans nos sociétés le mot artisan ou maître d'œuvre ; c'était une modestie qui n'enlevait rien au génie créateur de l'artiste.
Ainsi, il est courant d'entendre soutenir et de lire qu'en Tunisie, il n'existe pas de traditions picturales du fait de la pratique de l'Islam, que l'on croit catégoriquement iconoclaste et que, par conséquent, c'est avec la colonisation française que la peinture nationale (on compte en 1982 deux cents peintres plasticiens et graphistes) serait le résultat des apports plastiques occidentaux.
Ici, une mise au point s'impose, pour ce qui est de l'interdit. En effet, le Coran n'a jamais formellement interdit l'image ; le prophète Mohamed a seulement mis en garde contre son utilisation à des fins idolâtres — il fit pour cette raison détruire toutes les idoles se trouvant à la Mecque.
Mais, dans les Hadiths qui jouent un rôle essentiel dans la vie religieuse des Musulmans, il est vrai qu'il est rigoureusement interdit de représenter des êtres vivants (hommes ou animaux) sous peine de blasphémer.
Forts de cette divergence, des artistes plasticiens musulmans (appartenant ou pas au courant rationaliste des Mu'tazlites) n'ont pas craint de pratiquer la figuration allant même, en Iran, jusqu'à peindre le Prophète, suprême blasphème, donnant ainsi naissance à une peinture arabo-islamique (spécifique cela va de soi, pour des raisons qui sortent de notre propos).
En Tunisie, comme dans toute l'Afrique du Nord, on a adopté l'Islam rigoureux des Hadiths et il n'est pas étonnant par conséquent qu'il n'existe pas dans ce (ou ces) pays de peinture figurative ancienne.
La Tunisie n'a pas vécu cette civilisation du livre qui, par le biais des illustrations, a permis à l'art de la miniature de s'affirmer, en terre d'Islam, avec éclat. Ce n'est qu'à partir du 18ème siècle, semble-t-il, (contacts avec l'Occident chrétien) qu'est utilisée en Tunisie la peinture populaire, — la peinture sous verre etc... Il est évident qu'avant le 18ème siècle il n'y avait pas de tradition picturale en Tunisie.
Nous pouvons donc affirmer qu'en Tunisie existent depuis les origines des traditions picturales multiples, que l'histoire mouvementée a favorisées (les invasions nombreuses qu'elle a vécues véhiculant avec elles des cultures diverses).
Pour ce qui est de la tendance des plasticiens qui ont choisi la démarche allant de la composition abstraite à la création géométrique, on pourrait croire que le choix de l'abstraction s'explique par l'impact des Hadiths iconoclastes en Afrique du Nord, même si un tel choix semble renouer avec la tradition de l'art abstrait conceptuel arabo-islamique ; et on ne peut pas nier que c'est à travers la peinture occidentale que la découverte de cette même abstraction par les peintres s'est faite.
Il cherchait chez nous le pittoresque, le typique, l'exotique, tout ce qui est folklorique.
Nos premiers peintres ont repris à leur compte cette vision annecdotique et nous avons eu, nous aussi, nos bédouins, nos mendiants, nos mosquées, nos chameaux etc...
En ce qui concerne l'esthétique, les critères occidentaux ont été adoptés par nous tels quels. Pour nous, était beau ce qui l'était pour eux. C'est-à-dire, pour eux, c'était ce qui les dépaysait, donc, ce qui était vu en surface.
Par ailleurs, la notion de créateur — au sens démiurge que les occidentaux ont hérité des Grecs — était inconnue de nous (musulmans), bien plus, elle était presque blasphématoire.
Donc, l'artiste à l'individualisme, aujourd'hui exacerbé tel qu'il existe en Occident, était inconnu en terre d'Islam.
On préférait dans nos sociétés le mot artisan ou maître d'œuvre ; c'était une modestie qui n'enlevait rien au génie créateur de l'artiste.
Ainsi, il est courant d'entendre soutenir et de lire qu'en Tunisie, il n'existe pas de traditions picturales du fait de la pratique de l'Islam, que l'on croit catégoriquement iconoclaste et que, par conséquent, c'est avec la colonisation française que la peinture nationale (on compte en 1982 deux cents peintres plasticiens et graphistes) serait le résultat des apports plastiques occidentaux.
Ici, une mise au point s'impose, pour ce qui est de l'interdit. En effet, le Coran n'a jamais formellement interdit l'image ; le prophète Mohamed a seulement mis en garde contre son utilisation à des fins idolâtres — il fit pour cette raison détruire toutes les idoles se trouvant à la Mecque.
Mais, dans les Hadiths qui jouent un rôle essentiel dans la vie religieuse des Musulmans, il est vrai qu'il est rigoureusement interdit de représenter des êtres vivants (hommes ou animaux) sous peine de blasphémer.
Forts de cette divergence, des artistes plasticiens musulmans (appartenant ou pas au courant rationaliste des Mu'tazlites) n'ont pas craint de pratiquer la figuration allant même, en Iran, jusqu'à peindre le Prophète, suprême blasphème, donnant ainsi naissance à une peinture arabo-islamique (spécifique cela va de soi, pour des raisons qui sortent de notre propos).
En Tunisie, comme dans toute l'Afrique du Nord, on a adopté l'Islam rigoureux des Hadiths et il n'est pas étonnant par conséquent qu'il n'existe pas dans ce (ou ces) pays de peinture figurative ancienne.
La Tunisie n'a pas vécu cette civilisation du livre qui, par le biais des illustrations, a permis à l'art de la miniature de s'affirmer, en terre d'Islam, avec éclat. Ce n'est qu'à partir du 18ème siècle, semble-t-il, (contacts avec l'Occident chrétien) qu'est utilisée en Tunisie la peinture populaire, — la peinture sous verre etc... Il est évident qu'avant le 18ème siècle il n'y avait pas de tradition picturale en Tunisie.
Nous pouvons donc affirmer qu'en Tunisie existent depuis les origines des traditions picturales multiples, que l'histoire mouvementée a favorisées (les invasions nombreuses qu'elle a vécues véhiculant avec elles des cultures diverses).
Pour ce qui est de la tendance des plasticiens qui ont choisi la démarche allant de la composition abstraite à la création géométrique, on pourrait croire que le choix de l'abstraction s'explique par l'impact des Hadiths iconoclastes en Afrique du Nord, même si un tel choix semble renouer avec la tradition de l'art abstrait conceptuel arabo-islamique ; et on ne peut pas nier que c'est à travers la peinture occidentale que la découverte de cette même abstraction par les peintres s'est faite.
LE DEVENIR DU CONCEPT DE CALLIGRAPHIE
La calligraphie, fondement de toute une partie et non des moindres de l'art musulman spiritualiste et abstrait, attire actuellement quelques peintres du monde arabo-musulman.
Dans ma démarche spécifique, je suis parti du principe de la réflexion sur le patrimoine-vivant, le patrimoine-de-référence-historique et le patrimoine-individu. Avec la richesse et la complexité de la lettre arabe, unique art au niveau du visuel plastique car la calligraphie sous-tend un monde d'expression picturale (mode et monde illimités), il ne s'agit plus d'une peinture-graphique SACRÉE qui glorifie les noms d'Allah et du prophète et les versets du Coran. Il s'agit d'une œuvre de peinture où la lettre vidée de son sens littéral — cessant de signifier le discours scientifique — prend corps signifiant plastiquement comme première élaboration d'une recherche globale.
Étape que je considère comme acte essentiel, au-delà de l'identité.
Car le but souhaité n'est pas la rupture mais la démarcation épistémologique par rapport à l'école de l'autre, pour continuer d'évoluer parallèlement avec lui, selon la logique naturelle des prêts culturels, pour élargir le champs des complémentarités.
Dans l'acte de peindre, je parle de création pure, je dénonce toutes les formes d'encerclement, afin d'éviter le mortel repli sur soi pour s'ouvrir aux autres cultures, librement.
Ainsi ma recherche qui s'appuie et puise dans les valeurs essentielles du patrimoine ne signifie pas obligatoirement mimétisme ou reprise des codes hérités — d'où la stagnation. Il s'agit plutôt de m'assumer pleinement à partir de l'ossature véritable de ma propre culture, de la pénétrer au sens de la sensibilité populaire, du quotidien et de l'existence vécue.
Ce que je cherche plus précisément au delà de la calligraphie arabe, c'est créer une plateforme de référence (pour nous). Ainsi l'éclatement des formes académiques — de l'intérieur assumé — pourrait donner naissance à un art autre, possédant sa propre âme, un art qui n'ignore pas ce qui se fait ailleurs, un art qui irait enrichir le patrimoine universel d'une part et qui pourrait, dans le cas de nos sociétés actuelles, je parle ici des pays en voie de développement, donner à réfléchir et non à subir ou à consommer. Faire en sorte que l'œuvre réalisée participe pleinement à la vie tout court de l'individu. Le théâtre, la musique, le cinéma, la peinture n'ont pas ici leur rôle réel extérieur-intérieur de communication objective, car ces mêmes sociétés canalisées dans le même moule d'une culture imposée par l'autre... continue dans l'inconscient collectif de porter une histoire devenue mythique, en subissant par la puissance des médias modernes, des images abstraites pour la plupart, en contradiction avec l'environnement immédiat et le comportement quotidien. C'est dans cette optique que je parle de création globale, de conscientisation populaire, de réflexion et d'éclatement de l'intérieur.
L'exemple le plus frappant étant la disparition de l'art populaire qui se meurt, non pas à cause de l'avance du modernisme... mais à cause de la marginalisation des artisans, confondus par certains ethnologues de phénomènes d'un autre monde, qui co-existent par hasard avec l'automobile et la T.V., et que l'on doit nécessairement : analyser ? étudier ? répertorier ? et dont on enfermerait les produits artisanaux dans les musées pour l'histoire, comme phénomènes de références.
J'estime alors, que les plasticiens du tiers monde pourraient, tout en universalisant leur œuvre, réfléchir ensemble, car il s'agit d'un travail obligatoirement de groupe sur la fonctionnalité des techniques modernes les matériaux et leur adoption et l'étude des objets manufacturés artisanalement : poterie, céramique, verrerie, sculpture sur bois, taille du marbre ou de la pierre molle, tissage, tapisserie, teinture, dinanderie, broderie, ciselure, peinture sur bois, confection de bijoux etc...
Ainsi, j'estime que ceci pourrait être une des solutions en contreproposition à l'héritage de la toile et du chevalet et une proposition de re-lecture du patrimoine, le sortir de la répétition stérile, moderniser les fours, créer de nouvelles formes et de nouveaux signes, déchiffrer les symboles par une étude scientifique adéquoite, œuvrer pour une digression réfléchie.
Nja Mahdaoui
Genève, novembre 1982