Concept de la transformation de l'espace pictural

1987 - La Marsa
Présenté en Mai 1987, dans le catalogue de l'exposition personnelle Nja Mahdaoui: Kalligramme, Arabische Kalligraphie und Moderne Kunst, à la galerie Neue Galerie – Sammlung Ludwig, à Aix-la-Chapelle ; et en Avril 1988, dans le catalogue de l'exposition de groupe Écritures - À la rencontre de Michel Butor, à la Galerie de l'Information, à Tunis.

Conférence présentée à Nunatak Symposium de la Jeune Peinture à Baie-Saint-Paul, Québec, en 1987 ; et en Décembre 1995, à la Japan Foundation à Tokyo.

Idea (International advertising art), vol. 39, no. 229, November 1991, p. 86-91.
Calligraphies. Hommage à Nja Mahdaoui, Horizons Maghrébins & Cahier d'Études Maghrébines (Toulouse & Cologne, 1998), pp. 227-28.

 
 
Concept de la transformation de l'espace pictural
 
         Ma préoccupation essentielle par l'acte de peindre, c'est, d'abord, un désir fondamental de créer et un souci de rompre avec les dédales culturels de soumission à un genre ou à un style UNIQUE ( défini et préétabli ).
         Dans mon univers ambiant - il m'a été nécessaire de procéder par la destructuration - MENTALEMENT - INTELLECTUELLEMENT -  des formes et des influences d'écoles AUTRES -  ensuite il me fallait effectuer le démantèlement systématique  des graphies (canons - codes culturels) : lettres, signes, messages, mots et formes et donc transcoder et rompre avec le DISCOURS scientifique du verbe apparent et des puissances suggestives du communiqué et du non-dit /
         D'abord, ramener mes propres signes et codes à l'intérieur du processus des connaissances humaines et réaliser la FISSION de ce qui n'est pas lié à mon - AUTHENTICITÉ - agiographique pour signifier -  par l'acte-créateur, le référant de direction future /
         Puis partir d'un point donné-reconnu de l'histoire universelle, en tant que témoin-conscient-concerné (dans le temporel cosmique) d'une entité culturelle dont la spécificité fut longtemps confondue avec - SCLÉROSE et MIMÉTISME, momifiant le créateur dans une attitude déclassée et d'inaction.
         L'usage et la prise en considération des lettres, signes ou bribes de lettres dans mes travaux - SUIT - ma logique intuitive de l'insoumission au dictat des valeurs subies. Le signe calligraphique ( par sa présence signifiante ) devenu code, reprend le dessus sur l'image et implique, en l'invitant (  le regardant ) à décoder-imaginer-lire le MOT syntaxique dans un contexte de rapports-présence / négligeant par un réflexe inconscient et par une démission instinctive de RECEVOIR l'effet esthétique de l'oeuvre qui se présente.
         Ce sont les règles conventionnelles du VISIBLE, du concret, de l'absolu, du reconnaissable : PHONÈMES intelligibles, qui perdent leur sens-code médiatique de rapports  psychosensoriels de l'individu - alors que le tableau-oeuvre présente une globalité formelle, quoique abstraite, d'une entité spécifique, précise et universelle.
         Dans la stylistique et la composante d'une oeuvre en devenir et avec l'ensemble des SCHÈMES graphiques des caractères arabes, loin des structures linguistiques du MONTAGE architectural du verbe et de la phraséologie, je transgresse même les lois et les règles académiques de la calligraphie, dans ce qu'elles ont de rigide, modules d'un autre temps et d'un autre système épistémologique.
         Il s'agit pour moi de tisser-réaliser une oeuvre visuelle - à partir d'éléments d'un matériau ( code-parlant ), dont je bloque toutes les facultés phonétiques à priori, pour n'en garder que la morphologie de sur-réflexion esthétique.
        Cette ordonnance d'indépendance me permet de présenter des combinaisons plastiques où l'absence de toute prosaïque incite à voir-vivre et non à pénétrer-lire.
         C'est l'univers des signes qui se trouve - ébranlé - : point de signification-explication, ni de désignation pour baliser une pensée-mémorisée / le signe ayant pris sa distance vis à vis du mot - présente une nouvelle possibilité visuelle de présence - synthèse matérielle / signal-temporel-graphique d'ensemble /
         La négation du signifiant dans l'oeuvre nous conduit implicitement à prendre conscience des contours esthétiques pour pénétrer et saisir le système indicateur.
         Toute désignation BALISÉE implique l'usage de la pensée par le déclenchement de l'analyse structuraliste du langage - coupé - des amorces du rapport sensuel immédiat / individu-oeuvre /
         La scansion éprouvée par le regardant qui s'efforce de décrypter les signes en face d'une oeuvre, relève d'une attitude culturelle de rapports / de possession et d'appartenance.
         Le signe-présence d'une culture spécifique, est d'abord senti et non perçu dans sa transcendance de transfert suggestif ( d'appropriation ). 
         L'absence du mot-repérage-clé (recherché) et l'altération du discours de référence pour l'individu projeté dans l'ambivalence du doute et surtout la crainte de ne pas pouvoir re-connaître, ni habiter ce qu'il considérait SIEN / Patrimoine-héritage culturels /, engendre une situation d'impuissance mentale et de réduction sensorielle de démarcation.
         Ces rythmes et ces graphies esthétiques, par leur approche conceptuelle, déclenchent de nouvelles articulations de pensée chez le regardant, qui opère avec sa tension perceptive, au détriment des pulsions intuitives.
         Lorsque l'oeuvre se présente avec sa logique physique, toutes ses substances matérielles vibrent et incitent à la réflexion et au développement des sens .
         Ainsi, l'étendue de toute forme de désir ne se formule plus nécessairement par l'appropriation, mais par des rapports de sensibilité intérieure ( du senti-vécu ).
         L'élimination des classifications de l'oeuvre d'art -subjectivée- et liée à un temps historique précis ou à un groupe donné - annule toute notion onirique d'espace et permet le dialogue universel.
         S'agissant d'un choix et d'une décision pour réaliser un art spécifique, donc, un art autre / englobant / les données pulsionnelles qui dépassent l'effet superficiel du BEAU EN SOI - il est impératif d'exclure les antagonismes académiques.
         Précession de tout questionnement autour du désordre temporel -lors- de l'accomplissement d'une création en devenir - fêlure - qui risque d'enliser la mémoire au choc de l'événement pathologique de l'être et de son altérité.
ALORS QUE L'HOMME APPARTIENT À L'OEUVRE COMME ORIGINE
 
Nja MAHDAOUI
Février - 1987 -
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