Rome "Ville mémoire"

2008 - La Marsa

Artistes Arabes entre Italie et Maghreb (Milan: Skira, 2008), pp. 103–6.


 

 

En 1965, avec Pierre Berjole, directeur de l’École des Beaux-Arts de Tunis, lors sa première exposition personnelle à la Dante Allighieri, à Tunis.


 
 
Tout a commencé à Tunis entre 1965/66, par l’organisation de la première exposition personnelle de mes cartons de cours renfermant mes dessins, mes croquis d’atelier et quelques peintures réalisées tout au long de mes études au département des arts plastiques du Musée de Carthage, sur les cimaises de l’Institut Italien Dante Allighieri de Tunis, sur l’invitation de son dynamique directeur de l’époque Doc. Ricardo Averini qui contribua par la suite à présenter la même rétrospective en Sicile à la Galerie El Harka de Palerme.
 
 
Après l’expérience Palermitaine qui m’avait permis de rencontrer plusieurs artistes locaux, notamment des enseignants de l’école des Beaux-Arts, je suis rentré en Tunisie pour y parachever mes dernières années d’études, avant de  reprendre le chemin de l’Italie, précisément à Rome où j’étais invité à exposer de nouvelles créations à la Galerie Numero, située au quartier de la Piazza del Popolo, chez Fiamma Vigo, autour de laquelle on pouvait rencontrer, outre des  historiens et des critiques d’art, certains plasticiens de l’avant garde italienne  ainsi que des artistes originaires d’Amérique Latine, dont Lucio Fontana... Enchainant avec la présentation de mes travaux  à Rome, la dynamique directrice de la Galerie Numero me proposa d’organiser un cycle d’expositions itinérante des mêmes œuvres dans ses autres galeries portant aussi l’enseigne Numero à Milano et Venise.
 
 
Suite à un court séjour passé au Nord de l’Italie, notamment dans la ville de Milan, je suis revenu à Rome pour m’inscrire aux cours pratiques de l’institution des Beaux-Arts appelée Académie Saint Andréa – dirigée par le Professeur Mancini. Parallèlement aux études de cette prestigieuse école privée, ouverte à toutes les tendances et à tous les âges, et sur les conseils du Prof. Doc. Rita Rose – chercheur universitaire, proche de l’orientaliste Gabrielli, j’ai eu le plaisir d’assister aux conférences du Père Di Meglio – lequel m’avait orienté et introduit auprès du Professeur émérite des Beaux-Arts, la Roumaine Giotta Frunza (ancienne élève de Brancusi) qui m’enseigna les subtilités de la théorie conceptuelle autour de la thématique moderne ouverte sur la philosophie de l’art.
C’est effectivement dans cette sphère moderne de l’enseignement diversifié des Beaux-Arts et probablement grâce aux cours pédagogiques qui étaient essentiellement orientés par certains enseignants vers une prise de conscience, du droit à la digression des concepts archaïques en art et à la quête de la spécificité culturelle des civilisations de la part des futurs créateurs, que j’ai  orienté graduellement mes recherches vers un travail plus concis et plus ancré dans ma culture d’origine Africaine, Méditerranéenne et Arabe...
C’est aussi dans ce même élan de la connaissance et de la découverte que j’ai orienté ma vision artistique vers les croisements para-historiques du métissage culturel et que j’ai repensé et confronté les paramètres esthétiques parallèles dont la synergie des codes universels se transforma tout au long de mes expériences en référents esthétiques alternants, ouverts sur de nouveaux clivages de pensée...
Dès lors, mes voyages entre la Tunisie et l’Italie se multiplièrent et après plusieurs séjours d’études dans ce dernier pays, interrompus par mes expositions tant en Europe qu’autour du bassin méditerranéen, j’ai obtenu une bourse du Ministère de la Culture tunisien, me permettant de résider à la Cité Internationale des Arts de Paris, ce qui m’avait permis de m’inscrire à l'École du Louvre et suivre les cours d’histoire organisés par le département des Arts Orientaux.
Beaucoup plus tard, toujours en Europe, j’ai rencontré à Paris l’éminent critique de l’art contemporain Michel Tapié qui me proposa de sélectionner quelques-uns de mes travaux de peinture afin de les inclure dans le cadre des expositions de groupe organisées par le centre international de recherches esthétiques de Torino en Italie, sous sa propre direction ainsi que celle de la directrice des projets Elsa Minola...
       Notons que c’est à dater de ma rencontre avec le théoricien visionnaire Tapié, l’auteur du concept esthétique universel ‘ART AUTRE qu’eut lieu pour la première fois ma connexion artistique avec un groupe d’artistes asiatiques composé de Coréens, de Japonais, de Chinois (Onishi, Insho, Imai) et surtout avec de jeunes créateurs contemporains Iraniens (Zenderoudi, Pilaram, Moafi). Suite aux échanges avec ces artistes de la gestuelle, j’ai murement remis en question ma vision antérieure de l’art académique et tenté d’étudier la problématique artistique du GESTE, des SYMBOLES et surtout des rapports esthétiques entre l’acte de peindre et la présence du SIGNE CALLIGRAPHIQUE dans la pratique de mon travail.   
C’est ainsi que j’avais pris conscience de la valeur esthétique des différentes écoles de la calligraphie classique, en étudiant notamment (la symbolique de la graphie arabe et les signes parallèles du voisinage géographique des autres calligraphies du point de vue de leur origine, des sens parallèles, de leur émanation, des croisements, et surtout de leur développement…) et que j’avais entamé une quête réflexive durant plusieurs années.
Grâce à l’assiduité d’un travail continu, ma recherche dans les strates du patrimoine vivant se transforma en attitude culturelle au sens de la spécificité. Plus tard cette double réflexion tant théorique que pratique dans l’univers sinueux de la sensibilité graphique universelle, m’ouvrit le champ de la polyvalence artistique dans mon rapport conflictuel entre la vision des formes conventionnelles au sens de leur matérialité absolue - telle qu’elle est pratiquée et enseignée en Occident - et le glissement à travers les aléas de l’imaginaire (notamment arabo–islamique) –
C’est surtout grâce à la transgression de la sublimité de l’esthétique dans mes œuvres peintes, sculptées, gravées, tissées... et même dans mes performances   chorégraphiées... que je ne cesse d’explorer librement la rigidité des concepts archaïques.
Cette recherche devint impérative dans mon travail car j’ai transcodé les référents des cultures dominantes dans le but de créer une nouvelle forme de ressourcement, afin que la signifiance de mon témoignage s’érige en contreproposition à l’école de l’autre et se projette vers un devenir pluriel.
 
Nja Mahdaoui
La Marsa
Août 2008
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