Parole d'Artiste

1988 - Baie-Saint-Paul
Conférence présentée au Symposium de la Jeune Peinture à Baie-Saint-Paul, Québec, en 1988.

 
 
Parole d’Artiste
 
La réalité objective et l'appréhension de l'être
 
        L'acte créateur est-il le substrat de la parole articulée, ou l'interrogation de l'esprit ?
        Est-ce le DÉDIT irréductible de l'instant existentiel, vécu en SENSATIONS par l'homme, ou la permanente modification du monde sensible ?
        C'est effectivement, à partir de cet engrènement autour de l'explicitation du discours fondamental, du concept A R T et de sa transcendance sémantique que je situe ma QUESTION :
        Tout d'abord, il me paraît ardu, de dissocier avec précision, la SÉQUENCE cyclique des plans-actes instinctifs et la parole LOGIQUE émise.
        Car si la parole explicite déclenche le GESTE, et que celui-ci, à son tour LIE le mental aux unités temporelles de synthèses - pour exprimer - à l'aide d'une syntaxe conventionnelle : un langage clair.
        La parole du discours suggestif engage la mémoire dans les dédales réflexifs, et incite la conscience sensitive à s'alterner avec le corps-agissant, par le canal des codes de prolongement - VERBE-SENS-SONS -, avant d'émettre en direction de l'audition indiquée, les signes formels de communication : Phonèmes de distanciation : / Dehors-Dedans / Pulsion-Rejet / Identification.
        Quelles sont alors, les motivations culturelles qui incitent l'artiste-créateur, à transmuer sa pensée et son appréhension du monde à l'aide de gestes graphiques, dont le fond et la forme INSCRITS renvoient à la dialectique supposée du pré-conscient et des puissances magnétiques des exigences occultes ?
 

         
Ainsi, en avançant l'hypothèse que le geste de l'homme véhicule la parole de la pensée et que, celle-ci énonce l'état d'âme indépendant de la mémoire - au niveau du contenu - mais sûrement éclatée dans sa SUBJECTIVITÉ -
        Les gestes expriment alors, des significations qui dévoilent l’être - et non l’acte, car, l’acte profond, va au-delà et en-deçà, des contraintes extérieures à la raison. Et, la raison ne place-t-elle pas l'homme, dans sa propre évidence, au sein de la condensation du Groupe Référent-Alternateur ?
        Aussi la vivacité mentale de la mémoire libérée, exclut, par le geste spontané, toute corrélation avec les formes organiques dérivées et pré-structurées du savoir.
        Toutefois, l'articulation spécifique des mouvements séquentiels, lors de la gestation de l’œuvre d’art, indique avec son tracé, une empreinte nouvelle, qui se signifie et qui définit par son ordre analytique, de nouvelles sensations perceptives.
        Effectivement, cette composition libre, crée, sa propre conjonction au sein de l’espace architectonique choisi, et projette le sens second - ou l’évènement majeur - en tant que signe-signifiant des gestes-réflexes, parce que ces mêmes gestes issus de l’élan spontané, expriment aussi et plus spécifiquement la symbiose : / Corps et Esprit / -
        C’est dans ce processus, que le mouvement du créateur authentique, devient implicitement l’instrument de correspondance et d'exactitude entre le vécu mémorisé et la volonté de projection dans le futur, dès lors qu’il appréhende l'univers avec l'exigence de ses propres sens et non pour un témoignage thérapeutique -
 
Alternative intermédiaire des élans collectifs

Topographie de l'oeuvre en devenir
 
        Comment s'articule une création artistique positive, dans un espace INFINI - là, où l'homme agit au sein des limites de la projection globale de son être, dans la diffraction de la mémoire collective.
        Tout d’abord, il y a la relation - psycho-sensorielle - :  Individu-Œuvre / qui prend sa source dans l'axiome de l'irrationnel à chaque ÉLAN créateur qui devance la pensée réflexive du mouvement. Donc, s'agissant d'une acception pulsionnelle, ce mouvement se précise sans antagonisme de rapports référentiels, et INSCRIT sa trace expressive dans l’immédiateté de sa projection.
        C’est ensuite, que les schèmes plastiques : / Pigments et Graphismes / se présentent, se signifient et se substituent à l'incohérence dialectique et aux diachronies narratives d'écoles.
        Néanmoins, lorsqu’on décide de réaliser une création-plastique en contre-proposition des systèmes académiques ; on opère consciemment dans l'informel, c’est-à-dire que l’on s’installe délibérément dans les zones de l'absolu, qui transcendent le fait objectif, entre l'être et la nature cosmique, car, c’est par le biais de l'irrationnel et par le démembrement de l'image extérieure, que le créateur AGIT selon ses mécanismes psychiques transmis par ses propres flexions.
        S'agissant d'un choix esthétique précis, l'oeuvre / ainsi conçue / s'objectivise vers un idéal irréversible. Elle s'auto-active, et adopte une nouvelle structure de vie - avant de se chosifier selon les exigences intégratives : muséologiques et autres, surtout en Occident.
 

Taxinomie de l'oeuvre caractérielle
 
        On signale aussi l’artiste ostentateur, qui réalise sa création dans un état d’hostilité vis-à-vis de la pensée immanente. L’énoncé de son travail est alors chargé de témoignages évocatoires en approximation du désir de Re-produire avant de Re-connaître / les objets / par esprit sécurisant.
        Et, dès que l’on entame la lecture plastique de ce genre d’œuvre, on y décèle : les symboles de transfert des icones ambivalents qui fonctionnent comme un inventaire événementiel et surtout comme prédicats de critères en permanente contradiction.
        Cette oeuvre CHOSIFIEE, joue implicitement le rôle mimétique de la création authentique. En effet, elle cesse d’exister plastiquement, par le fait notamment qu'elle aspire à adapter le figural d'une pensée mythique / Discours-Poème /, avec la volonté de servir les aléas les plus exaltants de l'imaginaire collectif.
        L'artiste qui se complait à répéter des gestes itératifs, en toute quiétude, bloque son propre propos et annule toute spontanéité créatrice...
        Donc, dans ce type de manifestation artistique, l’amalgame des codes de substitution proposés, engendre et aggrave les risques et l’illusion diacritique.
        Hélas, le constat généralement avancé, démontre aisément comment les signes d'épuisement deviennent évidents et comment, la redondance mène au fourvoiement, donc à l'arrêt.
 
Transparence de l'intelligible en culture
 
        Bien sûr, en admettant, que tout travail achevé est sensé présenter une UNITÉ spécifique de l’être, en tant que : Témoin-Actant-temporel
        Il me parait impératif, de re-penser plus que jamais, notre ATTITUDE, en face de la phénoménologie de l’Incontrôlable en création artistique et analyser méthodiquement les conséquences de ses réverbérations.
        En ce sens, si l’on convenait que ce sont les paramètres : Pensée / Parole / Vision / Action / qui définissent notre présence coercitive, au centre des phénomènes de l'énergie rayonnante, et que l’on ait la conviction que cette même énergie constitue l'élément essentiel de toute réflexibilité logique -
        Il nous faudrait alors réapprendre à décrypter / l'ART / , tous les arts de la mémoire humaine, par delà les frontières et en déceler les fragments interférents –
Il ne s'agira plus, d'une sémiologie de rapports de savoir antérieur ou autre, mais d'une conscientisation globalisante, afin de sculpter ensemble un nouveau langage universel.
Une proposition, loin des passions, qui deviendrait la courroie de transmission de nos consciences, pour vivre libres ..et créer -
        Nul ne peut superposer un langage composé sur un fait plastique - Mais j'estime qu'on devrait inventer le DÉFI de nous assumer et SCELLER nos complémentarités spirituelles - dans l'alternance de nos différences. C'est là une urgence vitale -
 
Nja MAHDAOUI
propos libres pour
un Symposium - 1988
 
 
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